L’autorité, un pari perdant dans l’enseignement

Par : BAYLA KHALID

Au cours des dernières décennies, l’autorité comme un outil de commandement et de gestion, a commencé à périr, progressivement. Se débarrasser le plus vite possible de cette pensée d’organisation, n’était pas une option, mais plutôt une contrainte.
Certes, l’autorité avait un impact efficient durant une période définie, mais le développement qu’ont connu à la fois, l’homme et la société, a rendu impératif, le fait d’invoquer un nouveau successeur.
Les besoins de l’homme ont évolué au cours du temps, vers toujours plus de respect de soi. Si jadis, l’homme chercha à satisfaire ses besoins primaires de survie, aujourd’hui il a des aspirations, un élan vers l’idéal, il cherche la réalisation de soi, et, comme a dit Nietzsche, « devenir ce que nous sommes ».
L’employée de la firme, le professeur à l’école ou même l’élève dans la classe, veillent aujourd’hui sur la reconnaissance par le groupe, et sur l’estime de soi. Ce niveau d’aspiration ne pourrait être atteint, que dans le cadre d’une approche collaborative, qui répartit le degré de responsabilité et de prise de décisions, et qui est fondée sur l’influence et les interactions, autrement dit, une approche de leadership efficace.
Certains pourraient trouver bizarre, le fait de comparer l’école aux entreprises, pour des raisons qui paraissent logiques : l’enseignement ne poursuit pas un but lucratif (au moins c’est comme ça qu’il devrait l’être), leurs clients n’ont forcément pas les mêmes besoins et car le résultat de fin d’année ne pourra pas être mesuré en terme de rentabilité financière. Mais personne ne niera le rôle de l’éducation et de l’école, basé principalement sur la gestion des « hommes » et l’amélioration de la « performance »; aussi au même titre que l’entrepreneur, le professeur, selon Richard Shavelson (Professeur d’éducation et de psychologie à l’université de Stanford), est un décideur, car « chaque action pédagogique est fondée sur une décision interactive » de ce dernier. Bernard Rey (Professeur à l’Université Libre de Bruxelles où il dirige le Service des Sciences de l’Education. Il a participé ainsi à la formation des enseignants au Québec, en France et en Belgique) va également dans le même sens lorsqu’il précise que la gestion d’un cours implique un « nombre infini de microdécisions qu’il faut prendre dans l’urgence et l’improvisation ».
L’intégration de ces concepts managériaux dans l’enseignement, n’est pas le fruit du hasard. Leur passage de « l’art de la guerre » vers l’entreprenariat, et maintenant l’école, est principalement dû au fait que ces trois pôles partagent deux entrants majeurs à savoir : la stratégie (planification) et la gestion des hommes. C’est peut-être pour cela que Kant avait écrit : « Il est deux découvertes humaines que l’on est en droit de considérer comme les plus difficiles, l’art de gouverner les hommes et celui de les éduquer ».
Revenons à nos moutons ! l’autorité charismatique liée à l’enseignant, et fondée sur le caractère sacré et héroïque de ce dernier dans sa classe, n’est donc plus valide, au sein de ce nouveau microsystème nommé « l’école » ; chose qui a ouvert la grande porte à une nouvelle ère de collaboration et d’engagement dans l’enseignement : l’ère d’un teacher-leadership.
Pour bien schématiser le retard qu’on a connu afin d’adopter ce style de management dans nos écoles (aux États-Unis, les discussions autour du teacher-leadership, sont apparues dès les années 80), il fallait bien mettre le doigt sur un de ses concepts, les plus difficiles à intégrer au milieu du groupe, c’est celui de l’acceptation. C’est pour cette raison qu’il faut garder à l’esprit que le terme leadership, et contrairement à l’autorité, s’applique seulement quand il est accepté et partagé. Ceci signifie que si, le professeur veut devenir un leader dans sa classe, il doit être reconnu comme tel par ses écoliers ; Et cela ne pourra être établi avec succès qu’à travers ses actes et son mode de gérer la classe… la gestion par l’exemple et non pas les ordres.
En tant que leader l’enseignant, doit ainsi agir sur des capacités et des qualités, certaines d’entre elles sont innées, les autres sont acquises et  développées lors de son parcours professionnel. Le bon enseignant leader, retire le meilleur de ses élèves, à travers une vision autour de laquelle il regroupe les écoliers, en favorisant leurs confiances et leurs respects, puis leur donne la liberté d’élaborer certaines méthodes spécifiques pour atteindre l’objectif commun. En outre, les élèves ont besoins d’un sentiment d’appropriation et d’appartenance au groupe, ce qui insiste leur implication dans la prise de décision, ce qui est encore dur à accepter de la part d’un grand nombre de nos éducateurs. Au sein de tous ces collisions, on doit savoir que, même s’il est judicieux de recueillir l’avis des apprenants, on est obligé dans la majorité des cas de leur dire exactement ce qu’ils doivent faire. Or c’est grâce à ce mariage paradoxal, en fin de compte, entre la collaboration et l’autorité, qu’on pourra parler d’un teacher-leadership efficace.
L’adoption tardive de ces approches et ces visions, par nos systèmes éducatifs, ainsi que le cramponnement fanatique aux anciennes méthodes de nos professeurs d’enfance (qui ont donné leurs fruits, dans un certain temps), risquent vraiment de vivifier le concept de l’autorité au sens strict, au-delà de la classe même. Dans une telle situation de conflits entre les générations, et entre les différents outils d’éducation,  nous n’avons besoin que de se référer aux paroles de l’imam ali ibn abi talib qui a dit : « Eduquez vos enfants d'une manière différente de la vôtre, car ils sont destinés à une époque qui n'est pas la vôtre ».
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